Sur la mythique Caraterra Austral.

Publié le 15 Février 2014

Cette fois nous y sommes ! C'est avec beaucoup d'émotion et les yeux bien mouillés que nous sommes passés devant ce panneau. Un panneau. Un simple panneau en bois. "Bienvenue á Villa O'Higgins". Cette phrase marque l'entrée dans ce village entouré de sommets enneigés, de forets, de lacs et de riviéres. Nous sommes tout au bout de la caraterra austral. Aprés Villa O'Higgins, point de route, point de chemin. Juste des montagnes et de l'eau. Pour continuer plus loin vers le sud, les voyageurs doivent prendre un bateau et rejoindre l'autre rive du lac. Lá-bas, c'est l'Argentine et la direction de la Terre de Feu, notre ultime objectif. Mais nous n'y sommes pas encore...

Pour nous retrouver ici, nous avons avalé 900 kilométres sur cette route légendaire, la caraterra austral. Cette route, tracée et construite sous Pinochet, serpente depuis Puerto Montt jusqu'á Villa O'Higgins, 1247 kilométres plus au sud, entre fjords, volcans, lacs et forets. Sur ces cailloux, nous avons tout vécu. La pluie, le froid, des attaques d'insectes, des casses mécaniques, l'usure de nos corps due au mauvais état de la piste...Mais nous avons surtout vécu de superbes moments. Des paysages, des rencontres et des situations étonnantes ont rythmé nos 15 jours sur cette route.

Il n'est pas évident de retranscrire une si longue période avec de simples mots, nous ne sommes ni Zola, ni Hugo... Nous allons donc vous servir quelques extraits de notre carnet d'aventures. Oh, pas tout, rassurez vous. Juste quelques passages qui nous semblent les plus parlants, les plus marquants...

Samedi 18 janvier 2014.

Cette nuit, nous avons dormi sur un terrain qui sert de pature á un troupeau de moutons. Nous avons planté notre tente au milieu de nos amis laineux. Scéne marrante vite gachée par l'apparition de taons noirs de la taille de bourdons. Nous nous sommes vite réfugiés dans notre tente(...).

Ce matin, le ciel était bien couvert. De la brume enveloppait les montagnes alentours. Trés vite, nous nous sommes fait attaqués par des nuées de taons noirs. Ils n'ont pas laché Flo sur plusieurs dizaines de kilométres, la faisant craquer. Cris et larmes... La matinée fut trés dure, d'autant que la piste était dégueulasse. Ripio ( mélange de sable, cailloux et nids de poule ) et tole ondulée composait la surface de la route. Lorsqu'enfin les taons disparurent, nous nous sommes retrouvés face á un mur. Roches roulantes sur une pente á 12 % sur pratiquement 2 kms. Cela nous a valu 50 minutes de poussage. Le dos de Flo a trinqué (...).

Ce soir, nous dormons á Villa Vanguardia, sur la place du village. Nous avons parcouru, aujourd'hui, 65 kilométres.

Dimanche 19 janvier 2014.

Aujourd'hui, notre objectif est La Junta, á 40 kilométres de lá. Peu de kilométres, mais vue l'état de la piste qui nous attend...

Depuis plusieurs kms, la route est en travaux, ce qui rend notre progression lente et difficile. De gros camions á bennes nous ont doublé, croisé et frolé (...). Heureusement, le beau temps est de retour (...).

A 12h 30, nous avons fait 22 kilométres lorsqu'un ouvrier nous a barré la route nous expliquant qu'il nous fallait attendre 3 heures ici ! Nous n'avons pas insisté lorsque nous avons compris qu'ils devaient faire sauter une montagne en bord de route á la dynamite. Les trois heures d'attente ne nous arrangeaient pas. Vue l'heure, nous allions repartir vers 15h30 au mieux, et il nous restait 18 kms á parcourir. Cela allait nous faire arriver tard á La Junta. Heureusement, une nana en pick-up a accepté de nous emmener avec nos vélos. Flo, devant avec elle, et Tom assis derriere, dans la benne avec les bicyclettes (...).

A La Junta, nous avons rencontré Fred et Ophélie, deux cyclos en vélos couchés. Nous avons mangés ensemble. Demain, nous avons convenu de rouler tous les quatres.

Lundi 20 janvier 2014.

Ce matin, il pleut beaucoup (...). En achetant du pain pour les casses-croute, nous avons rencontres deux autres cyclonomades. James et Maggy sont partis il y a un an et demi de chez eux, á San Francisco, Californie (...). Cette fois, nous sommes impressionnants. Nous formons un véritable peloton, mais un drole de peloton. Toutes nos montures sont chargées comme des mules et il y a deux vélos couchés (...).

Avec la fin de la zone de travaux, nous retrouvons une bonne piste bien roulante, mais un peu de montagne russe. Nous avons traversé le Parc National de Queulat et ses fougéres géantes (...).

Ce soir, nous dormons á 15 kilométres au sud de Puyuhuapi, dans un fjord, au bord du pacifique.

Mardi 21 janvier 2014.

Il a plu toute la nuit et des rafales de vent ont bien fait danser la tente. Dehors, le thermométre annonce 10 °.

Aujourd'hui, le profil de notre étape nous impressionne. Nous montons sur les selles de nos vélos pour bouffer 1500 métres de D+ sous ce temps apocalyptique et sur des cailloux (...).

Aprés une matinée á bien avancer, nous arrivons vers 13 heures au pied d'une longue montée. Douze kms de raide montée boueuse avec des virages en épingle. Par moment, la pente atteignait 13 % (...). Les pneus avaient du mal á adherer. Moulinette, danseuse, rien n'y fait dans ces cas lá ! (...). Nos vetement étanches nous collent á la peau. Nous sommes mouillés jusqu'aux os. Dans ces situations, tu ne réfléchis plus. Il faut pousser. Chaque coup de pédale est une victoire sur toi meme. Chaque metre gagné est une victoire sur la piste. Dans ces conditions, le voyage en vélo est un enfer. Les corps trinquent sévere. Le thermometre en arrivant au col indique 5°c. Le vent, la boue, la pluie. Nous sommes épuisés, trempés, affamés. On change de sous T-shirt et de gants, on avale un pain-fomage et on amorce la redescente. L'inconvénient du vélo: trempés en haut, on redescent sans bouger. L'air glacial s'engouffre oú il veut...Mais nous devons rester concentrés. En descendant, un chute est si vite arrivée. La boue, les trous, les cailloux...la piste n'arrange rien. Les bras, les fesses, le dos, ca saute, ca bringuebale. Les vélos prennent cher, tres cher...(...). Puis enfin, nous arrivons sur le plat avec asphalte. Ca fait du bien. Nous trouvons meme un petit kiosque au bord de la route pour boire un café chaud. Mais la pluie n'en fini pas de tomber, il nous reste 7 bornes pour Villa Amengual.

Nous sommes arrivés dans ce village aprés une derniere cote de 7 kms á 9 %. Exténués, nous avons trouvé une auberge oú nous nous sommes posés.

Demain, nous l'avons décidé á l'unanimité, c'est repos. Ces 75 kms avec 1400 metres de D+ ont eu raison de nos corps. Cette journée s'est achevée sur un bon repas de la patronne autour d'un poele oú gouttaient nos fringues détrempés.

(les quelques jours qui ont suivi avaient pour objectif Coihaique, ville importante á mi-distance entre P. Montt et Villa O'Higgins...)

Dimanche 26 janvier 2014.

Ce matin, en quittant Coihaique, nous n'avons pas d'objectif précis. Nous bivouaquerons lorsque nous en aurons marre de pédaler. Mais á seulement 33 kms du départ, la gente arriére du vélo de Tom se fissure et la roue se bloque contre les patins. Il ne peut plus rouler. La solution est de les enlever. Nous sommes au milieu de rien. Nos compagnons de route ne se sont pas arretés. Le temps de réfléchir aux solutions, ils doivent etre déjá bien loin. Nous décidons de continuer jusqu'á ce qu'on les retrouve pour les avertir. Mais l'exercice est périlleux. Plusieurs kilometres á parcourir sans frein arriere et avec une gente fissuré, c'est un poil dangereux ! Nous les retrouverons á El Blanco, une dizaine de kilometres plus loin. La seule solution pour nous est de retourner á Coihaique pour faire réparer(...). Par Chance, nous avons trouvé un homme ayant un pick-up allant en direction de notre ville (...).

Lundi 27 janvier 2014.

Apres avoir fait changer notre gente, le proprio du camping oú nous avons dormi a accepté de nous emmener á El Blanco, lá oú nous nous sommes arretés la veille. Arrivés lá, nous avons repris la route, seuls avec nos vélos. Nos compagnons ont aujourd'hui 24 heures d'avance sur nous. Nous prenons la route en direction de Villa Cerro Castillo (...).

A 18h 30, nous sommes passés devant une base de campement de la CONAF ( ONF du Chili). Cerro Castillo est encore á 35 kms de lá. Mais le garde-parc nous assure que cette derniére portion est descendante. Nous avons pris la décision de continuer. Le gros vent de face nous ralentit au point de rouler á 10 km/h en descente ! Heureusement, le décor est sublime.Nous sommes entourés de grandes barriéres rocheuses les pieds dans les torrents (...).

Notre mode de transport nous permet d'avancer sans bruit. Du coup, nous pouvons assister au spectacle d'un huemule (cerf patagon) broutant tranquillement en bord de route (...).

C'est au détour d'un virage que nous avons découvert les pics enneigés du Cerro Castillo. Le soleil couchant nous illumine d'un éclat rouge-orangé. Ce mastodonte surmonté d'un glacier spectaculaire nous surplombe. Nous nous sentons tous petits.

Nous sommes arrivés tard au village de Villa Cerro Castillo. Par chance, nous avons trouvé une hospedaje avec un poele pour nous réchauffer, Dehors, il faisait froid, environ 4°c et un vent fou furieux.

(...)

Jeudi 30 janvier 2014.

Cette nuit, nous avons dormi dans une cabañas á Puerto Tranquillo en compagnie de Fred et Ophélie que nous avons retrouvé sur la route hier.

Ce matin, au moment d'enfourcher nos fidéles montures, la roue avant de Flo frotte et a du mal á tourner. Aprés avoir desseré les freins et huilé le moyeu, nous avons pris la route. Mais aprés 8 kms de cote, le roue avant danse le tango.Trop risqué de rouler avec un tel jeu dans la roue.

Tristesse, déception puis résignation. Nos vélos qui allaient si bien jusque-lá commencent á battre de l'aile.

De retour á Puerto Tranquillo, on nous dit que les seules solutions qui s'offrent á nous sont soit un retour á Coihaique, á plus de 200 kms de lá, soit aller en stop á Cochrane et faire les 130 kms qui nous séparent de cette ville en pick-up. Aprés un aprés-midi le pouce tendu vers le haut, nous avons trouvé un chauffeur...

Durant ces 130 kms en 4x4, la Patagonie s'est offerte á nous sans effort mais avec émotion devant les vallées, sommets et torrents indescriptibles.

(...)Mais le moment le plus improbable mais aussi le plus délicieux de la journée est arrivé lorsque nous avons retrouvé Marcel et Claudine lá-bas. Magie du voyage, bonheur des retrouvailles... Devant notre désarroi, Marcel nous a rassuré: "cette roue, nous allons y faire quelque chose...".

Vendredi 31 janvier 2014.

Marcel et Caudine, merci pour votre gentillesse !!!

Nous allons pouvoir poursuivre cette route mythique grace á vous. Marcel a diagnostiqué puis réparé... Toutes les billes des roulements de la roues étaient pulvérisées ! Démontage, recherche de roulements neufs, remise en état du moyeu, etc, etc,...Le vélo repart comme en 14 !!! Nous repartons sur la piste tous les quatre avec plaisir.

Samedi 1 février 2014.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ma mere. Bon anniv' ma p'tite mere !!!

(...)Avec cette pluie qui tombe depuis notre départ, nous sommes tous les quatres gelés. Un panneau dans la foret nous indique un camping. Le responsable du lieu, un bucheron, voyant notre état, nous a proposé de dormir dans sa cabane. Un poele et un lit. Spartiate, mais pour nous, c'est un luxe...

Cette minuscule maison en bois au milieu de la foret, si loin de tout, nous font ressurgir les contes de notre enfance.

Dimanche 2 février 2014.

(...)notre objectif, aujourd'hui était Puerto Yungay pour prendre un bac á 18 heures.

Au moment de monter sur nos bicyclettes, la bonne humeur est, comme d'habitude, au rendez- vous. La pluie a cessé et le soleil montre enfin le bout de son nez.

Le rythme était bon, bien aidé par l'état de la piste et par la platitude de la vallée. Mais apres une dizaine de kilométres, un homme nous a annoncé que la route était fermée un peu plus loin á cause de la crue du rio Backer. Et en effet, aprés 23 kms, nous voilá tous les quatres á pousser nos vélos, de l'eau jusqu'aux cuisses ! Quelques métres apres cette portion, un gaucho sur son cheval nous annonce que nous ne pourrons pas passer plus loin car le niveau d'eau atteindrait nos poitrines (...).

Encore une fois, fort chanceux, nous avons trouvé une petite maison qui sert d'embarcadere au fleuve. Nous nous sommes installés lá pour squatter le temps de la décrue. Nous prenons cet arret forcé avec philosophie car comment faire la fine bouche en voyant le décor dans lequel nous évoluons ? (...)

Nous avons passé l'apres-midi á filtrer de l'eau pour pouvoir faire un stock au cas oú, puis nous avons fait un feu pour nous réchauffer...de vrai trappeurs !!!

Lundi 3 février 2014.

Nous sommes arrivés á Pueto-Yungay aprés avoir parcouru 38 kms sur une piste de nouveau tres difficile (...). A 18 h, nous sommes montés sur le bateau pour traverser le fjord. Arrivés de l'autre coté vers 19h, nous nous sommes installés dans la salle d'attente de l'embarcadere pour y passer la nuit (...).

Mardi 4 février 2014.

La route nous semble de plus en plus sauvage et retirée du monde. Depuis notre départ de Cochrane, nous voyons de moins en moins de véhicules. Il est vrai que demain, nous devrions arriver á Villa O'Higgins et que lá-bas, la route s'achéve. Les voitures ne peuvent pas aller plus loin (...).

Aprés un aprés-midi teinté de soleil, nous arrivons á hauteur d'un barraquement en bord de route, Nos compteurs nous annoncent 50 kms. Un homme á Puerto- Yungay nous avait parlé d'un refuge au kilometre 50. Nous nous sommes donc arretés ici. Mais la maison est vide et fermée á clé. Bizarre, un refuge non- accessible ! Aprés avoir attendu une bonne demie-heure dans l'espoire de croiser quelqu'un qui pourrait nous éclairer, un camion de la voirie chilienne s'est arreté devant nous. Les deux ouvriers nous ont expliqué que cette maison est une casa pour les ouvriers qui s'occupent de la Caraterra. Mais pour eux, pas de probleme, nous pouvons dormir lá, il y a des matelas pour tout le monde.

Nous avons passé la soirée á converser avec nos deux hotes sur leur vie rude en Patagonie et sur leur famille. L'un des deux á une soeur qui vit á Lyon. Puis la discussion a dévié sur les projets du gouvernement chilien de vouloir asphalter toute la caraterra. Eux y sont opposés car ils veulent garder une Patagonie autenthique... nous n'avons pas osé abordé la question des projets de barrages...

Ces sont toujours de bons moments que de converser avec les habitants d'un lieu que tu découvres. Nous avons meme eu le droit au "cérémonial" du maté. La tasse avec la bombillasse (paille) passe d'un personne á l'autre pour la dégustation. Pour eux, c'est un vrai moment de partage.

Mercredi 5 février 2014.

Apres avoir passés une nuit dans cette casemate branlante oú nous avons eu tres froid, nous avons pédalé une quarentaine de kilometres. La pluie puis le soleil ont joué au chat á la souris toute la journée. Mais l'approche de l'ultime arret de la Caraterra nous excite. En meme temps, nous sentons chez chacun de nous l'envie d'en profiter un max. Nous roulons péperes, on s'arrete au moindre point de vue...on fait durer le plaisir...

Puis nous voilá ici. Villa O'Higgins. Dans ce voyage, les lieux mythiques nous servaient de fil conducteur: Macchu-Picchu, le Salar de Uyuni, le Sud- Lipez et la Caraterra Austral. Devant nous, il nous reste encore bien des merveilles á découvrire avant le mythe ultime qu'est Ushuaia. Nous allons voir le Mont Fitz Roy, le glacier Perito Moreno, etc... Mais quand meme, une page se tourne...

Nous allons rester lá quelques jours avant de prendre le bateau pour continuer notre expédition de l'autre cote des montagnes, de retoure, encore une fois, en Argentine. Dans ces forets nous attendent des étapes encore tres rudes. Mais pour le moment, c'est l'heure du repos en repensant á tous ces kilometres.

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M
c'est vrai, Flo a l'air un peu zinzin sur cette photo!! Bon profitez bien parce qu'après on vous récupère et encore merci pour les belles photos et commentaires. Très bien écrit! si si, j'insiste. Allez, bises.
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M
Coucou les amis sa fait plaisir d avoir de vos nouvelles ont a lu et regarder ses belles photos, je vous avoue que sa fait envie. super votre blog. Ont a hate de vous revoir je vous dit courage et a bientôt.<br /> Ils vous reste quelques kilomètres encore......
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P
salut à vous deux, l'aventure continue.... on vous suit avec le sourire et plaisir à la vue des photos et des commentaires... Romain et Marion se joignent à nous pour vous faire de grosses bises !!!
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M
C'est superbe évidemment. Ici le printemps pointe son nez et vous attend comme nous...Plein de mimis.
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Y
BEAU! a très vite les copains!
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